Femme dans un monde d’hommes à l’époque, Sophie Germain a réussi à se faire une place parmi les plus grands mathématiciens de son temps. Ses nombreuses recherches sur l’élasticité des métaux ont permis de grandes avancées scientifiques, mais aussi la construction de la Tour Eiffel. Études Tech revient sur l’histoire de celle qui se cachait derrière l’alias Antoine Auguste Leblanc.
L’apprentissage des mathématiques en autodidacte
Sophie Germain naît le 1er avril 1776 à Paris. C’est à l’âge de 13 ans qu’elle découvre les mathématiques grâce à la bibliothèque de ses parents. Elle tombe sur un ouvrage en particulier, l’Histoire des mathématiques écrit par Montucla. Elle y découvre notamment le personnage d’Archimède et se passionne très vite pour sa vie et ses trouvailles. Sophie Germain est bel et bien décidée à apprendre les mathématiques. Cependant, nous sommes au XVIIIe siècle et les femmes ne sont pas censées apprendre cette matière. Par conséquent, ses parents mettent tout en œuvre pour la décourager en la punissant de différentes manières.
Sophie Germain avait pris l’habitude d’étudier la nuit afin que ses parents ne la voient pas travailler. Prise la main dans le sac, ces derniers n’ont pas hésité à lui confisquer toutes les sources de lumière malgré la fraîcheur des nuits. Malgré tout, Sophie ne se décourage pas et continue d’apprendre en cachette. Avec le temps, ses parents se rendent bien compte qu’elle voue une véritable passion pour les mathématiques. C’est alors qu’ils deviennent un réel soutien pour elle et l’encourage même dans ses travaux.
Lire aussi : Les scientifiques les plus connus de l’Histoire
Sophie Germain, alias Antoine Auguste Leblanc
Une nouvelle fois, le genre de Sophie Germain vient perturber son envie d’apprendre. Il est impossible pour elle de s’inscrire dans les écoles de mathématiques uniquement réservées aux hommes. Elle va donc se procurer les cours de Polytechnique et continuer à apprendre les maths en autodidacte. Afin de pouvoir échanger avec le professeur Joseph-Louis Lagrange, elle prend l’identité d’un étudiant qui ne se rend jamais en cours, Antoine Auguste Leblanc. Ainsi, elle envoie, sous ce faux nom, ses nombreux travaux au professeur. Celui-ci est subjugué par la qualité de ce qu’il reçoit, mais reste néanmoins perplexe. En temps normal, Antoine Auguste Leblanc n’est pas un bon élève, il trouve étrange qu’il soit devenu très bon du jour au lendemain. Par conséquent, il demande à rencontrer ce fameux étudiant. Sophie Germain n’a donc pas le choix et doit se montrer sous son vrai visage. Joseph-Louis Lagrange trouve admirable le fait que son élève donne tout son possible pour pouvoir étudier. Ainsi, les deux mathématiciens deviennent amis.
En 1801, Sophie Germain tombe sur le livre de Carl Friedrich Gauss, Disquitiones Arithmeticae. Elle cherche à rentrer en contact avec l’auteur de l’ouvrage. Pour être prise au sérieux, elle reprend son ancien pseudonyme d’Antoine Auguste Leblanc. Une nouvelle fois, la supercherie va être découverte, mais cette fois-ci d’une manière assez particulière.
Comme évoqué plus haut, Sophie Germain était passionnée par la vie d’Archimède, mais aussi par sa mort. En effet, lors du siège de Syracuse, le savant était trop occupé à dessiner des figures géométriques au sol. Lorsqu’un Romain vient le voir, il lui dit qu’il dérange ses cercles. Le légionnaire se vexe et tue Archimède. Lorsque Napoléon envahit la Prusse en 1806, elle a peur que ce scénario se répète. Par conséquent, elle demande au commandant Pernety, le chef de l’artillerie française, de mettre Carl Friedrich Gauss sous sa protection. Quand le commandant lui fait part de l’identité de sa protectrice, il dit ne pas la connaître. C’est dans une lettre qu’elle révèle qu’Antoine Auguste Leblanc n’était, en réalité, qu’un pseudonyme. Les deux mathématiciens continuent d’échanger jusqu’à ce que Carl Friedrich Gauss se tourne vers l’astronomie, un domaine qui intéresse moins Sophie Germain.
Les travaux de Sophie Germain
Le phénomène des plaques vibrantes
Sophie Germain commence à s’intéresser à la physique et s’attaque au phénomène de Chladni. En 1808, le physicien et musicien Ernst Chladni recouvre une plaque de cuivre avec du sable et la frotte avec un archet très fin. Étonnement, le sable se met à produire des figures géométriques. Napoléon est intrigué par le phénomène et promet une récompense à toute personne qui parviendra à l’expliquer. En 1811, seule Sophie Germain remet un mémoire, mais l’équation qu’elle propose est incorrect. Deux ans plus tard, elle retente sa chance. Encore une fois, l’Académie des sciences refuse sa théorie. Ce qu’elle critique ce ne sont pas tant les résultats et les équations proposées par Sophie Germain, mais le cheminement employé pour y parvenir. L’Académie estime qu’il manque de rigueur.
Cela peut s’expliquer notamment par le fait que Sophie Germain a appris les mathématiques en autodidacte, elle n’a pas acquis toute la rigueur entourant la matière. En 1815, elle tente une troisième fois sa chance. Cette fois-ci, l’équation qu’elle propose est correcte, mais le raisonnement pour y parvenir, lui, ne l’est pas. Néanmoins, dans ce troisième ouvrage, elle met au point une théorie permettant d’expliquer, l’élasticité des corps et des métaux. Ses recherches ont été bien utiles pour la construction de la Tour Eiffel notamment. Ainsi, pour l’ensemble de son œuvre, elle obtient le prix de l’Académie des sciences, ce qui fait d’elle la première femme à obtenir cette distinction.
La théorie des nombres
Après ses travaux sur le phénomène de Chladni, elle s’attarde sur la théorie des nombres. Elle cherche à résoudre la conjecture de Fermat. Celle-ci dit que dans une équation xn + yn = zn dans laquelle « n » est supérieure à 2 alors l’équation ne contient aucun entier positif non nul pouvant la résoudre. Pour résoudre ce problème extrêmement complexe, malgré la simplicité de son énoncé, elle refait équipe avec Joseph-Louis Lagrange pour mettre au point le théorème de Sophie Germain. Pour comprendre sur quoi repose son théorème, il faut expliquer en quoi consiste un nombre premier de Sophie Germain. Pour en trouver un, il faut prendre un chiffre entier le doubler et ensuite ajouter 1. Si le résultat donne un nombre premier, c’est-à-dire un entier uniquement divisible pour lui-même ou par un, nous sommes alors en présence d’un nombre premier de Sophie Germain. Le théorème de Sophie Germain se définit de la manière suivante : Soit p un nombre premier de Sophie Germain, alors si des entiers naturels, x, y et z vérifient l’équation xp + yp = zp alors l’une des trois inconnus est divisible par p ². Cette équation, bien qu’elle ne résolve pas le problème de Fermat, sera bien utile lors de sa résolution finale en 1994.
Lire aussi : Mileva Einstein, physicienne de l’ombre et femme d’Albert Einstein
La fin de vie de Sophie Germain
Sophie Germain se lie d’amitié avec Joseph Fourier. C’est grâce à lui qu’elle parvient à siéger à l’Académie des sciences. Il estime qu’une mathématicienne de son envergure ne devrait pas être refusée à l’assemblée uniquement à cause de son genre. Cette entrée lui permet d’obtenir une complétion de ses travaux. Bien que les résultats qu’elle trouvait étaient souvent exacts, ces derniers manquaient de précision en vue du manque de rigueur nécessaire lors de son apprentissage.
En 1829, elle se tourne vers la philosophie et publie un recueil nommé « Pensées diverses » qui regroupe ses différentes recherches. La même année, elle développe un cancer du sein. C’est à cause de lui qu’elle va s’éteindre le 27 juin 1831, à Paris.
À sa mort, plusieurs problèmes se posent. Tout d’abord, elle est décrite comme une femme sans enfant et sans profession alors qu’elle était une mathématicienne reconnue par ses pairs. Beaucoup pensent que la mention mathématicienne est absente du fait qu’elle était une femme. En 1889, la Tour Eiffel est érigée. À son sommet, les noms de 72 savants sont présentés. Pourtant, Sophie Germain est absente alors que ses travaux sur l’élasticité des métaux ont été indispensables pour sa construction. Aucune raison n’a été donnée sur cette absence, cela pourrait être simplement un oubli.
Son héritage
Grâce à son illustre carrière, Sophie Germain a permis à de nombreuses femmes de s’élever et de pouvoir obtenir une reconnaissance similaire à celle des hommes comme ce fut le cas pour Marie Curie. De plus, ce fut la première femme à siéger à l’Académie des sciences, elle a ouvert les portes à toute une génération de savantes qui a suivi derrière elle. En plus de cette empreinte féministe, elle laisse également une trace indélébile dans le monde des mathématiques. Ses travaux sur le théorème de Fermat ont permis sa résolution en 1994 par Andrew Wiles. Il a dit que l’équation n’avait pas de solution si « n » est égal ou supérieur à 3.
Lire aussi : La carrière de Hedy Lamarr, du cinéma au wifi