Auteur du Principe d’Incertitude, Werner Heisenberg est un pionnier de la physique quantique. Il a également joué un rôle considérable au sein du Projet Uranium avec l’objectif de développer une bombe nucléaire allemande. Grâce à ses nombreuses activités, il a réussi à s’imposer comme l’un des plus éminents physiciens de l’Histoire. C’est pourquoi Études Tech te retrace son parcours.
L’enfance brillante de Werner Heisenberg
Werner Karl Heisenberg naît le 5 décembre 1901 au sein de ce qui était à l’Empire allemand. Rapidement, il se passionne pour les mathématiques. Une fois arrivé à l’université de Munich, il suit en auditeur libre plusieurs cours de mathématiques. L’objectif ? Sauter les deux années de classe préparatoire, ce qu’il parvient à faire. Après la Première Guerre mondiale, il est, comme beaucoup de ses compatriotes, attristé par l’état dans l’équipe se trouve l’Allemagne suite au Traité de Versailles de 1919. Il souhaite que sa nation redevienne forte. Dès lors, il s’affirme comme un franc patriote et cela pourrait expliquer ses liens avec le nazisme par la suite notamment lorsqu’il a fallu élaborer une bombe nucléaire.
En 1923, à seulement 22 ans, Werner Heisenberg termine ses études de physique. Il les effectue en seulement trois ans alors qu’il en faut sept pour un étudiant lambda. Il travaille ensuite avec Max Born et Niels Bohr, deux pointures de la physique de l’époque pour perfectionner ses compétences.
Le principe d’incertitude
Le plus grand accomplissement de Werner Heisenberg est le principe d’incertitude qui a posé les bases de toute la physique quantique.
La quantité de mouvement
En 1927, Werner Heisenberg découvre le principe d’incertitude. Pour comprendre en quoi consiste ce principe, il faut définir ce qu’est la quantité de mouvement. Cette dernière repose sur le produit de la masse et de la vitesse d’un corps en mouvement. En clair, un corps lourd qui va à la même vitesse qu’un corps plus léger nécessite une quantité de mouvement plus importante afin de se déplacer. Par exemple, une bille et une voiture qui se déplacent toutes les deux à 10 km/h, la voiture aura une quantité de mouvement plus importante parce qu’elle embarque différents objets comme le moteur, les roues, etc. La bille, quant à elle, est moins lourde. De fait sa masse est moins importante et donc sa quantité de mouvement est inférieure à celle de la voiture.
En quoi consiste le principe ?
Werner Heisenberg définit son principe de la manière suivante « Plus on détermine la position d’une particule, moins on pourra déterminer avec précision sa quantité de mouvement au même moment et vice-versa ». Ce principe dit qu’une particule possède de nombreuses propriétés et certains couples de ces propriétés ne peuvent pas être mesurés conjointement avec une précision infinie. Ce principe pose des limites sur notre compréhension des particules subatomiques.
La formule mathématique
Le principe d’incertitude dit qu’il est impossible de déterminer avec précision la position et la quantité de mouvement d’une particule. Pour comprendre cela, prenons une onde dans laquelle on souhaiterait trouver sa position et sa longueur d’onde. Même si une onde n’est pas une particule, elle illustre à la perfection le fonctionnement du principe d’incertitude. Si tu parviens à déterminer avec précision la longueur d’onde, alors il te sera beaucoup difficile de déterminer avec précision, la position exacte de l’onde vu qu’elle se propage. À l’inverse, si tu trouves la position de l’onde, alors il te sera impossible de déterminer avec précision sa longueur d’onde.
Une formule mathématique permet d’expliquer ce principe d’incertitude.
Soit x correspondant à la position d’une particule, p à sa quantité de mouvement (pour rappel, c’est le produit de la masse et de la vitesse d’une particule), ∆ à l’incertitude et h à la constante de Planck.
Alors : ∆x x ∆p ≥ h : 4π
Avec la découverte de ce principe d’incertitude, Werner Heisenberg remporte le prix Nobel de physique en 1932. En 1927, il participe au congrès de Solvay qui réunit les plus grosses têtes du monde scientifique en matière de physique quantique, dont Einstein ou Schrödinger. À cette occasion, Heisenberg expose son principe d’incertitude qui a du mal à convaincre les foules. Néanmoins, grâce aux travaux des physiciens qui vont le suivre, ce principe d’incertitude est devenu le principe le plus important de la physique quantique.
La Seconde Guerre mondiale et la course au nucléaire
La rencontre entre Heisenberg et Oppenheimer
Avant la Seconde Guerre mondiale, les scientifiques allemands se divisent en deux classes, ceux qui quittent le pays dont Einstein et ceux qui restent comme Max Planck ou encore Heisenberg. Les scientifiques restés sur place se justifient en disant qu’il faut passer à l’après-guerre et au fait qu’il faudra reconstruire l’Allemagne rapidement afin d’éviter que le désastre l’entre-deux-guerres ne se reproduise, côté allemand. Malgré tout, Heisenberg effectue un voyage aux États-Unis où il rencontre Robert Oppenheimer, celui qui est amené à devenir le père de la bombe atomique. Les deux hommes échangent et Oppenheimer reconnaît que les travaux d’Heisenberg l’ont grandement inspiré dans ses propres recherches. Le scientifique américain propose à son confrère allemand de le rejoindre afin de participer au développement du nucléaire américain. Heisenberg refuse parce qu’il ne veut pas trahir sa patrie, il préfère donc rester en Allemagne. Cependant, les historiens s’accordent à dire qu’Heisenberg n’était pas forcément un nazi, mais un fort patriote à l’instar d’Oppenheimer aux États-Unis.
Une tentative d’assassinat contre Heisenberg
En décembre 1938, le physicien allemand Otto Hahn parvient à obtenir une fission de l’uranium. À partir de là, tous les scientifiques de la planète s’accordent à dire qu’une bombe nucléaire d’une puissance jamais vu auparavant pourrait très clairement être mise sur pieds. De faire, lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Hitler met au point le projet Uranium avec pour objectif de créer une bombe nucléaire allemande. Heisenberg est affecté à ce projet.
Les Américains, qui œuvrent de leur côté à la création de leur propre arme nucléaire, ont vent du projet allemand et ils cherchent un moyen de le réduire à néant. De fait, lorsqu’en 1942, ils apprennent qu’Heisenberg se rend en Suisse pour tenir une conférence, l’hypothèse d’enlever le physicien allemand est très sérieusement envisagée. Au terme d’une réunion, à laquelle participe Oppenheimer et le général Leslie Groves (l’homme derrière le projet Manhattan), il est décidé de laisser Heisenberg tranquille. En effet, si les Américains avaient décidé de kidnapper le physicien, alors cela aurait montré leur intérêt pour la bombe nucléaire, ce qui pourrait pu ralentir son élaboration. Cependant, la menace Heisenberg est réelle pour les militaires du pays de l’Oncle Sam. En 1944, le général Groves déploie un agent en Suisse dans le but d’assassiner Werner Heisenberg. À la dernière minute, il revient sur sa décision et lui laisse la vie sauve.
Le projet Uranium contre le projet Manhattan
En plus de la Suisse, Heisenberg se rend au Danemark où il rencontre son confère Niels Bohr. Il lui affirme, avec assurance, que l’Allemagne ne pourra pas perdre le conflit. Or, Bohr, même s’il ne prend pas part aux travaux sur la bombe nucléaire, sait qu’elle peut être mise sur pieds. Rapidement, il fait le lien et comprend que l’Allemagne travaille farouchement à la mise au point de cette arme de destruction massive. Si, lors de sa prise de pouvoir, Adolf Hitler a entraîné une importante fuite des cerveaux allemands vers les États-Unis, Heisenberg envoie Niels Bohr, l’un des plus éminents physiciens de son temps, rejoindre le projet Manhattan mené par Oppenheimer. Il faut savoir que la relation entre Bohr et Oppenheimer est très étroite. Niels Bohr a été le mentor et le modèle de celui qui va créer la bombe atomique. Lors de son arrivée à Los Alamos, les membres du projet Manhattan vont comprendre l’ampleur du lien qui unissait les deux scientifiques. Cette relation a été rapportée par les Kai Bird et Martin J Sherwing dans l’autobiographie de Robert Oppenheimer dans les termes suivants « Bohr était Dieu et Oppie (le surnom d’Oppenheimer) son prophète ». De fait, l’arrivée de Niels Bohr est un renfort de taille pendant que l’Allemagne piétine dans l’élaboration de sa bombe.
Factuellement, l’Allemagne n’avait fait aucune avancée en matière d’arme nucléaire. En effet, les scientifiques du projet Uranium s’étaient orientés sur l’élaboration de réacteurs nucléaires. Ainsi, en 1942, Heisenberg devient le premier scientifique à déclencher un excès de neutron en vue de provoquer une réaction en chaîne. Cependant, il a réalisé cette opération avec un petit nombre d’atomes et cherche à produire une réaction plus importante. Malheureusement, lors de l’une de ses expériences, l’un de ses laboratoires explose. Après avoir échappé de peu à la mort, les recherches sur le nucléaire sont abandonnées. Néanmoins, les historiens s’accordent pour dire que si Heisenberg était parvenu à créer un réacteur nucléaire, il aurait enchaîné sur la création de la bombe atomique.
La suite de l’histoire, tu la connais, les scientifiques du projet Manhattan réussissent à doter le gouvernement américain de l’arme nucléaire qui va déployer deux bombes sur Hiroshima et Nagasaki faisant des centaines de milliers de victimes.
Une prise de position contre l’armement nucléaire
Après la guerre, Werner Heisenberg s’oppose à l’arme nucléaire. Cependant, au vu de sa personnalité plutôt complexe, il est difficile de déterminer les raisons exactes de ce refus. En effet, après les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, le monde scientifique est divisé en deux catégories : ceux qui sont pour le développement de l’arme nucléaire et ceux qui souhaitent l’encadrer avec des lois. Problème : ceux qui souhaitent l’encadrer sont ceux qui possèdent déjà l’arme nucléaire et ceux qui veulent développer leur arsenal sont justement les nations qui ne la possèdent pas. Ce problème devient politique notamment en 1957 lorsque la RFA prend la décision de se doter d’un arsenal nucléaire. Un groupe de 18 scientifiques nommés les 18 de Göttingen, dont Heisenberg fait partie, s’oppose à cela.
Ce choix peut sembler surprenant de la part du physicien allemand tant durant toute sa vie, il s’est affiché en fidèle patriote. Or, avoir l’arme nucléaire serait un gain de puissance non considérable pour la RFA, puis pour l’Allemagne. Deux hypothèses peuvent expliquer son refus. La première, c’est parce que, comme beaucoup, il craint une escalade des puissances pouvant conduire à la fin du monde. La seconde option serait parce que l’arme atomique a déjà été créée, de fait, il n’y a plus de recherche à faire dessus. Par conséquent, Heisenberg ne pourrait pas recevoir de reconnaissance, ce qui pourrait expliquer son refus.
Quoi qu’il en soit, Werner Heisenberg publie plusieurs ouvrages autour de la physique quantique. Des œuvres visant à vulgariser la discipline pour la rendre plus accessible. Il s’éteint le 1er février 1976, à l’âge de 74 ans, à Munich. Il a marqué l’Histoire en étant l’un des plus gros précurseurs de la physique quantique.
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