La CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) a organisé son colloque annuel des écoles d’ingénieurs rassemblant tous les acteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Durant deux journées, ces derniers sont amenés à échanger sur des thématiques clés, à savoir les défis énergétique, climatique et écologique, les compétences indispensables à l’innovation ainsi que la réindustrialisation. Après deux ans d’absence, cette édition 2022 du colloque annuel des écoles d’ingénieurs organisé par la CDEFI s’est tenue à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers (ENSI Poitiers) ce jeudi 2 juin, et à l’École nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique (ISAE-ENSMA) le vendredi 3 juin suivant. Études Tech était présent pour cette première journée de conférence. Décryptage.
Dans le cadre de l’édition 2022 du colloque annuel des écoles d’ingénieurs organisés par la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs), l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation se sont retrouvés afin d’échanger sur les différents enjeux actuels et à venir, à savoir les défis de la transition écologique et son intégration dans les programmes, les mobilités internationales diplômantes, l’accompagnement à l’entrepreneuriat, l’impact de la crise sanitaire dans la vie étudiante, ainsi que la diffusion de la culture scientifique et technologique par les écoles d’ingénieurs françaises.
« Plus de la moitié des licornes en France sont co-gérées par des ingénieurs alors qu’aujourd’hui, nous manquons de 5 000 ingénieurs par an en France et en Europe. Face à ce constat, l’ingénierie et les technologies occupent une place essentielle dans l’économie française, ce qui fait de nos écoles des acteurs majeurs dotées de vrais savoirs-faire. Il est donc primordial de former davantage de chercheurs et de docteurs dans ce secteur pour remédier aux manques de candidatures et atteindre une meilleure sélectivité. », souligne Jacques Fayolle, président de la CDEFI et directeur de Mines Saint-Etienne.
Les tendances qui ressortent du rapport “Métiers en 2030” à France Stratégie
France Stratégie, l’institution autonome placée auprès du Premier ministre, dont la mission est de contribuer à l’action publique par ses analyses et ses propositions, a établi une synthèse d’étude suite au rapport “Métiers 2030” dressant les perspectives des métiers passés et à venir selon deux scénarios : un scénario de référence et un scénario de bas carbone.
En s’appuyant sur les politiques menées aujourd’hui, le scénario de référence lève une perspective à dix ans afin d’identifier les besoins en recrutement dans le secteur de l’ingénierie selon les départs de professionnels en fin de carrière et l’arrivée de gens professionnels sur le marché de l’emploi. Selon ce scénario, il y a davantage de postes qualifiés (cadres et ingénieurs) sur l’ensemble des postes créés dans ce secteur. Les métiers de l’ingénierie informatique sont fortement sollicités par les acteurs économiques et davantage privilégiés par les jeunes professionnels. Les métiers de l’ingénierie informatique souffrent encore d’un manque de mixité, à l’inverse de l’ensemble des cadres.
Le scénario de bas carbone s’appuie sur une trajectoire de décarbonisation en France d’ici 2030. Les transports et le bâtiment sont les secteurs économiques qui émettent le plus de gaz à effet de serre. Le secteur du bâtiment est davantage précurseur d’emploi en vue de son rôle essentiel dans la transition énergétique : 200 000 emplois supplémentaires seront créés à l’horizon 2030. Dans ce scénario, l’agriculture est, elle, impactée positivement où des techniciens et cadres de l’agriculture seront fortement demandés.
Ingénieur informatique : 110 000 postes supplémentaires attendus d’ici 2030
Si l’ingénierie compte bon nombre de métiers et spécialités, certaines professions se démarquent et sont fortement sollicitées par les acteurs économiques. C’est notamment le cas de l’ingénieur informatique qui, depuis plusieurs années, connaît une forte expansion en création d’emploi, notamment depuis la crise sanitaire. Toutefois, de nombreuses petites et moyennes entreprises ne sont pas encore numérisées. Pour y remédier et rattraper ce retard, près de 110 000 emplois seront ouverts à l’ingénierie informatique d’ici 2030.
Ingénieur européen : un sujet de nouveau posé sur la table
Dans le cadre de la table ronde du colloque des écoles d’ingénieurs, l’impact des écoles d’ingénieurs à l’échelle européenne, la mobilité diplômante ainsi que l’idée d’un ingénieur européen ont été évoqués. Et si l’idée d’un diplôme d’ingénieurs européen a déjà été évoquée, celle-ci revient sur la table. « Il y a une réelle réflexion à avoir quant à la légitimité professionnelle d’un ingénieur européen. Le socle des compétences non techniques d’un ingénieur européen doit être examiné. », souligne Alexis Michel, directeur de l’ENIB et président de la commission International et développement de la CDEFI.
Les écoles d’ingénieurs se mobilisent pour former davantage de cadres de haut niveau pour 2030
Dans le cadre d’un atelier d’échanges animé par Sophie Mougard, directrice de l’école des Ponts ParisTech et vice-présidente de la CDEFI, et Laurence Hafemeister, directrice de l’ENSEA et vice-présidente de la commission International et développement de la CDEFI, le constat est sans appel :
Alors que le nombre de cadres a, pour la première fois, dépassé le nombre d’ouvriers selon l’INSEE (2020), les métiers techniques et manuels, du CAP à l’ingénieur, n’ont jamais été autant sous tension sur le marché de l’emploi. D’ici 2030, 20 000 ingénieurs sont attendus en recrutement chaque année pour remédier à ce manque. Pour cela, entreprises et écoles d’ingénieurs se mobilisent afin de trouver des solutions sur le moyen et long terme.
L’Institut Mines Télécom mise sur l’apprentissage
Depuis plusieurs années, l’Institut Mines Télécom multiplie les moyens pour augmenter ses effectifs en apprentissage. Aujourd’hui, l’IMT compte 3 500 étudiants en alternance. Chaque école du groupe dispose d’un réseau de partenaires locaux et profite d’une plateforme de recrutement pour ses étudiants.
Le réseau Polytech profite son réseau étendu dans toute la France
Du côté du réseau Polytech, ce dernier bénéficie d’une importante implantation sur l’ensemble du territoire français. Intégré dans plusieurs grandes et moyennes villes de France, le réseau Polytech a la particularité de se mettre au service des collectivités afin de répondre aux besoins des entreprises implantées localement. « Les écoles du réseau Polytech bénéficient d’une certaine liberté quant à leur développement, ce qui en fait bénéficier leurs étudiants directement. », explique Emmanuel Perrin, coordinateur du réseau Polytech et directeur de Polytech Lyon.
L’EPF vise la mixité dans ses étudiants-ingénieurs
L’EPF (anciennement École Polytechnique Féminine), elle, réfléchit à la question de la distribution des professionnels en ingénierie à l’échelle nationale. L’école d’ingénieurs mise donc sur une approche territoriale. Initialement implantée à Sceaux, celle-ci s’est vite développée sur l’ensemble du territoire, à des endroits stratégiques, là où les besoins en ingénieurs sont centralisés. Aujourd’hui, l’EPF compte cinq campus : Paris-Cachan, Saint-Nazaire, Troyes, Montpellier et Dakar.
De par son positionnement historique à former des femmes aux métiers de l’ingénierie, l’EPF multiplie également ses actions pour encourager les jeunes filles à se tourner vers ce secteur très porteur. Comment ? En développant notamment de nouvelles formations dont une majeure ingénierie & santé sur son campus Paris-Cachan.
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